Un texte est encore parfaitement d’actualité…

La CHARTE des CONTEURS ( 1998)

Cette charte, résultat de plusieurs années de rencontres et d’échanges entre conteurs professionnels ET amateurs, constitue un texte fondateur pour tous ceux qui s’investissent dans cet art aujourd’hui. Il a fait (à l’époque) l’objet de controverses et de débats passionnés et passionnants. Depuis, le temps a passé, le nombre des conteurs a explosé, les questions qu’il soulève sont plus que jamais d’actualité.

Merci à Michel Hindenoch de nous l’avoir donné à connaître.

I. Préambule :

1- Est en droit d’adhérer à cette Charte toute personne ou association désirant manifester son accord et son engagement sur les principes déontologiques qu’elle propose. L’adhésion à cette Charte est totalement indépendante, et ne présume en aucun cas de l’appartenance ni même du soutien à www.ancef.org ANCEF (Association Nationale des Conteurs d’en France) qui en a pris l’initiative. Les signataires s’engagent à se conformer à cette Charte dans sa totalité. Ils n’entendent pas arrêter pour autant l’évolution de leur réflexion déontologique : cette Charte sera réexaminée au moins tous les deux ans, afin de garder à notre réflexion le caractère vivant et permanent qu’elle a souhaité se donner. Cette charte se veut et doit rester pour les conteurs et leurs partenaires un outil de réflexion. Toute autre utilisation de cette charte (autoritaire ou sélective) constituerait un détournement grave de ses principes fondateurs, et serait dénoncée publiquement comme telle. Afin que chacun puisse se déterminer en toute indépendance, aucune liste de signataires ne sera publiée.

II. De L’Art des Conteurs :

L’Art des Conteurs ne s’arrête pas avec les générations précédentes : nous entendons pratiquer cet Art aujourd’hui et demain, avec autant de liberté et de rigueur que les Conteurs d’hier. L’Art des Conteurs ne consiste pas à diffuser les versions des Conteurs qui les entourent ou qui les ont précédés : nous revendiquons le droit et le devoir de ne produire que «nos versions personnelles» des Contes de nos répertoires.
Nous reconnaissons comme Conteur celui ou celle qui raconte, avec une couleur de parole unique, des histoires vraies, fictives ou symboliques, qui se construit un répertoire original, fruit d’efforts et de recherches personnelles, qui parle et se présente à son auditoire en son nom propre et non au nom d’un personnage-narrateur, et conduit cette pratique comme un Art.
La lecture à haute voix, la récitation orale, littérales ou non, ne sauraient se confondre avec l’Art du Conteur.
Conter est un Art de la parole. La parole est et doit rester une expression de la liberté humaine. Nous entendons exercer et défendre cette liberté dans le respect dû à notre Art, à notre auditoire, au répertoire commun, à la pluralité des cultures et des appartenances, et à nos pairs.
Nous nous promettons d’honorer et de défendre l’existence, la qualité, l’actualisation et l’enrichissement permanents de la langue dans laquelle nous exerçons notre Art.

III- Du Répertoire Commun :

1- Nous estimons que toute littérature orale «traditionnelle» ou «du domaine public» fait partie du patrimoine commun de l’Humanité, quel que soit son genre (mythe, épopée, geste, roman, conte, légende, fable, chronique, anecdote, nouvelle, facétie, randonnée, chanson, poème, formule, proverbe, dicton, énigme, jeu de langue, etc…) et quelle que soit son aire géographique ou culturelle.

2- Tout Conteur est donc en droit d’accéder à ce patrimoine dans le respect des lois et des principes de cette Charte. En retour, il doit contribuer à son enrichissement, à sa qualité et à sa diversité.

3- Nous nous interdisons de protéger ou de faire protéger sous notre nom ou sous un nom d’emprunt toute «oeuvre du domaine public» sous un autre statut que celui d’adaptateur. Il nous appartient de veiller à ce que cette nuance soit toujours mentionnée sans ambiguïté.

IV. Du Répertoire de Chacun :

Dès que nous exerçons notre Art hors de la sphère strictement privée (le cercle de famille), nous nous engageons, comme doit le faire tout citoyen, à connaître et respecter les lois sur la propriété intellectuelle, artistique et littéraire. (cf: Loi N° 57-298 du 11 mars 1957 et loi N° 85-660 du 13 juillet 1985, disponibles facilement dans les mairies)
Nous reconnaissons, comme c’est le cas pour toute oeuvre d’Art, que lorsqu’un Conteur publie un Conte ou le raconte en public, sa version ne tombe pas pour autant dans le «domaine public». Tout apport personnel de sa part (boniments, formulettes, motifs, épisodes, images, formulations, tournures, etc.) restent de droit sa propriété exclusive. Leur emprunt ne saurait donc se concevoir sans le consentement de leur auteur, ni à l’insu de l’auditoire. Nous nous engageons par conséquent à ne pas enregistrer, ni transcrire, ni diffuser -même partiellement- les versions de nos confrères sans leur accord.
Il nous appartient de restaurer les véritables conditions de ce que l’on appelait autrefois la «tradition orale». Dans cet esprit, nous nous engageons à ne mettre à notre répertoire aucun récit dont nous aurions pris connaissance par la lecture ou l’écoute d’un autre Conteur, sans avoir eu la courtoisie de lui en faire la demande, ni la prudence de nous assurer auprès de lui de ce qui pourrait lui appartenir en propre.

V. De l’Argent et de la Solidarité entre Conteurs :

1- Nous reconnaissons à tout Conteur, quel qu’il soit, le droit d’offrir comme de vendre le produit de son Art. En retour, nous appelons à la solidarité morale et sociale entre tous les Conteurs, qu’ils soient rémunérés ou non.

2- Certains d’entre-nous tirent leur seule subsistance de la pratique publique de leur Art. Afin de ne pas porter atteinte à la dignité, ni à l’existence de leur profession, ni d’empêcher l’apparition des futures générations de Conteurs professionnels dont notre société a besoin, nous nous engageons, quels que soient par ailleurs nos moyens d’existence :
          À faire l’effort d’estimer la valeur financière de nos prestations comme si nous devions en tirer nous-mêmes notre seule subsistance.
          À la défendre avec honneur vis à vis des publics et des partenaires qui raisonnablement pourraient en réunir les moyens, quitte à faire don de cette rémunération à des tiers ou à une association ou oeuvre de notre choix.
          À recommander à nos associations et à nos partenaires de comptabiliser cette valeur, au cas où elle ne donnerait pas lieu à des recettes ou dépenses effectives, au titre du «bénévolat valorisé». Nous resterons libres -mais également responsables vis à vis de nos confrères- de choisir les réels bénéficiaires de notre générosité.
En retour, les Conteurs professionnels signataires de cette Charte se doivent de soutenir et assister tout Conteur non-professionnel dans son effort d’estimation.
C’est honorer notre Art que de permettre qu’il soit apprécié de tous à sa juste valeur. Nous estimons que la valeur de nos Conteries ne devrait varier qu’en fonction de leur qualité. Nous regrettons que soient trop souvent associés «bénévolat du conteur» avec «tarifs de complaisance» ou «entrée gratuite pour le public», sans prendre conscience que cela retire de la valeur au travail fait et offert. Nous invitons tous nos confrères à évaluer le prix de revient par spectateur lors de leurs négociations avec les organisateurs afin de vérifier la valeur qu’ils accordent ainsi publiquement à leur art.

VI. De nos Relations avec nos Partenaires :

1- Nous nous engageons à toujours conclure avec nos partenaires un contrat écrit décrivant en détail et en totalité:

La nature de notre intervention, nos exigences artistiques, techniques et financières, dans le respect des lois concernant l’engagement des artistes du spectacle, et des principes de cette Charte.

2- Lorsque nous sommes appelés à collaborer avec d’autres Conteurs à une intervention commune, nous nous engageons à nous y préparer ensemble, par respect pour l’auditoire, pour nos partenaires, et dans l’intérêt général de l’art du conte. Chacun restera libre et responsable de la part artistique de sa contribution.

3- Nous sommes collectivement responsables de la bonne information de tous nos partenaires (conteurs, organisateurs, employeurs, administrateurs, agents, éditeurs, pouvoirs publics, etc…), en matière de statut («amateur» ou «professionnel»), salaires, charges sociales, assurances, droits d’auteur, conditions techniques, déontologie, usages et nature de l’Art du Conte. Nous conseillons aux organisateurs de choisir les Conteurs pour les avoir déjà vus à l’oeuvre ou sur recommandation, plutôt que sur dossier ou listes, et de confier à des Conteurs la conduite des formations à l’Art du Conte.

4- Nous nous engageons à faire connaître et expliquer à tous nos partenaires les principes de cette Charte.

VII. De la Formation des Conteurs à venir :

1- Puisque nous vivons de l’écoute d’autrui, soyons à l’écoute d’autrui : veillons à chercher autour de nous des paroles que nous pourrions défendre. Un jour ou l’autre, chargeons-nous de soutenir la parole d’autrui en parrainant un apprenti.

2- Nous estimons que tout Conteur qui agit en tant que formateur se doit d’avoir élaboré une pédagogie personnelle de son Art. Il doit également garantir à ses apprentis l’éthique de sa mise en oeuvre. Il doit donc, avant de donner ou céder à quiconque le droit de la diffuser ou de l’appliquer à son tour à des tiers, s’assurer qu’il y est prêt (techniquement, psychologiquement et sur le plan éthique). Nous nous engageons à ne diffuser, ou réutiliser en tant que formateur, aucune procédure pédagogique sans le consentement de son auteur.

3- Nous nous engageons à faire connaître et expliquer à tous nos apprentis, élèves ou stagiaires, et quelles que soient les circonstances, les principes de cette Charte.

(voté à l’unanimité lors de l’Assemblée Générale de l’ANCEF de 1998) Association Nationale des Conteurs d’En France

DEFINITION de l’ART de CONTER

( source APACC)

Le texte ci-dessous se veut un texte fondateur pour l’Association Professionnelle des Artistes Conteurs et Conteuses, dans lequel chaque
membre peut se reconnaître.
Son but est d’identifier les compétences et savoir-faire spécifiques du/de la conteur·euse. L’ensemble de ces cinq points est à prendre en compte :

– Fonction : Le/la conteur·euse participe à l’enrichissement et à la circulation orale des patrimoines et matrimoines narratif·ves de l’humanité. Il/elle en répond par ses compétences et sa singularité.

– Filiation : Narrateur·rice oral·e d’un récit, le/la conteur·euse est relié·e à une pratique et à un répertoire traditionnels qu’il/elle renouvelle, en tant qu’artiste contemporain·e.

– Répertoire : Le/la conteur·euse raconte tout type d’histoires, il/elle en est l’adaptateur·rice ou l’auteur·rice. Ses récits ont souvent une dimension poétique et métaphorique.

– Mise en œuvre : L’art du/de la conteur·euse est un art de la parole et de la narration, l’écriture orale caractérise sa pratique : pour raconter une histoire, le/la conteur·euse crée une « partition » composée d’un récit, d’une langue personnelle, de l’expression de la voix et du corps, parfois associée à d’autres disciplines artistiques. Cette « partition » est unique, elle peut être entièrement, partiellement ou pas du tout rédigée.

– En public : Le/la conteur·euse se présente en son nom, souvent dans une relation directe au public. En tant qu’auteur·rice-interprète de sa partition, il/elle est libre de l’adapter par l’improvisation au cours de la narration publique.

Site APACC